Le professeur Juste Rajaonson et son équipe de recherche ont exploré les processus, les politiques et les instruments qui permettent aux villes et régions de concevoir et de déployer des politiques d’économie circulaire adaptées à leur contexte. Découvrez le résumé de leurs travaux.   

Résumé

Au cours des dernières années, de nombreuses villes et régions se sont engagées à développer une économie circulaire sur leur territoire. Comme cet intérêt des gouvernements locaux et régionaux à l’égard de l’économie circulaire est relativement récent, les cadres analytiques permettant de mieux comprendre la diversité des stratégies territoriales et des conditions dans lesquelles elles sont implantées sont encore en phase de débroussaillage.  

Jusqu’à présent, les cadres existants saisissent difficilement les réalités d’une ville ou d’une région en tentant d’être soit trop théoriques et exhaustifs, soit trop universels et prescriptifs. Par exemple, la plupart se concentre sur les aspects techniques de la circularité allant de la réduction à la source à l’optimisation des produits, tandis que d’autres se focalisent sur une ou quelques filières stratégiques comme l’agroalimentaire, le textile et les matériaux de construction ou encore sur les flux de matières (e.g. tonnage, valeur monétaire, teneur en carbone). Des guides génériques ou boîte à outils sont également proposés, souvent basés sur des cycles classiques de Deming ou des champs de compétence spécifiques qui ne tiennent pas nécessairement compte de la diversité des instruments politiques que les différents paliers gouvernementaux peuvent mobiliser selon leur contexte, ni de leur cadre institutionnel respectif. 

Afin d’offrir aux gouvernements une solution contextualisée et opérationnalisable, nous avons développé un cadre analytique dynamique qui s’appuie sur les études récentes de villes et régions circulaires à travers le monde, les recherches antérieures sur les typologies d’instruments de politiques aux échelles infranationales et les perspectives géographiques de la durabilité urbaine. 

Ce cadre permet d’explorer la convergence des instruments et des acteurs de gouvernance ciblés par les politiques publiques avec les actions typiquement attendues dans les démarches de transition vers une économie circulaire en fonction de la filière considérée. Dans un contexte territorial, ces actions comprennent à la fois des actions directes de circularisation (telles que régénérer, adapter, repenser, et recycler des ressources) et des actions de soutien (comme réduire les besoins, localiser, substituer, et partager des produits et des services). 

Conçu comme un outil pour les autorités publiques locales désireuses de développer une économie circulaire sur leur territoire, il est fondé sur trois principes interdépendants.  

  1. Le principe de synergie entre les initiatives existantes et envisagées : Ce principe souligne l’importance de reconnaître et d’optimiser les nombreuses initiatives publiques ou soutenues par des fonds publics portant directement ou indirectement sur l’économie circulaire, avant de lancer de nouvelles démarches. Il implique d’identifier les chevauchements, les lacunes, et les complémentarités entre ces initiatives, permettant ainsi d’améliorer l’efficacité des efforts déjà déployés. 
  2. Le principe d’adaptation des instruments politiques : Il s’agit d’adapter les interventions publiques au contexte local spécifique (incluant le cadre institutionnel) et à l’état d’avancement des initiatives de circularité incluant celles contenu dans d’autres plans d’action environnementales ou économiques du territoire. Il implique alors de visualiser le spectre des interventions possibles, allant des approches douces (comme l’éducation et la sensibilisation) aux méthodes plus contraignantes (comme les réglementations), afin de garantir que la nature des interventions soient alignées aux besoins, aux priorités et aux compétences des gouvernements locaux. 
  3. Le principe de circularité complète : Il s’agit de garantir que la circularité soit envisagée dans sa globalité, touchant tous les maillons de la chaîne de valeur des produits fabriqués et consommés sur le territoire et ses environs, plutôt que de se concentrer sur des segments isolés. Le cadre analytique proposé aide à déterminer la nature extensive ou intensive des interventions publiques en économie circulaire. Une intervention extensive consiste à élargir la portée des actions pour englober tous les aspects de la circularité, couvrant simultanément plusieurs filières. En revanche, une intervention intensive se concentre sur l’intensification des efforts dans un domaine spécifique soit pour capitaliser sur les points forts de la localité, soit en ciblant des aspects de la circularité souvent négligés comme les initiatives visant à diminuer les besoins en matériaux et en énergie à la source. Il s’agit ainsi de reconnaitre que certaines boucles de circularité opéreront au niveau local, d’autres au niveau régional, et certaines au niveau national. 

Nous sommes actuellement à l’étape de tester ce cadre analytique sur un premier cas afin d’évaluer son efficacité et ses limites. L’initiative «Our Food Future» à Guelph et Wellington a été choisie comme cas d’étude préliminaire, en raison de sa maturité et de la diversité des instruments politiques mobilisées. Notre démarche actuelle inclut l’examen de documents de planification et d’actions ainsi que des entretiens avec des responsables politiques, administratifs et techniques visant à valider et à affiner notre cadre analytique. La prochaine étape de notre programme de recherche sera d’appliquer ce cadre à l’analyse d’un plus grand nombre de territoires, de contextes politico-administratifs et sur différentes filières stratégiques, et d’inclure dans le spectre d’analyse les instruments déployés par les autres paliers de gouvernement sur ces territoires.

À propos du projet

Le projet « Villes et régions circulaires au Canada : une analyse exploratoire des instruments de politique et des conditions territoriales et politico-administratives inhérentes aux diverses stratégies de circularité » a été mené par Philippe Genois-Lefrançois et Valérie Lacombre, tous deux doctorants, sous la direction des chercheuses et chercheurs Juste Rajaonson, Fanny Tremblay-Racicot, Thi Thanh Hien Pham et Chedrak Chembessi. 

Le RRECQ est soutenu par les Fonds de recherche du Québec.
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