La professeure Anne-Marie Corriveau et son équipe de recherche ont réalisé une revue de la littérature sur la collaboration interorganisationnelle. Découvrez le résumé de leurs travaux.  

Résumé

Une transition vers l’économie circulaire dépend d’actions stratégiques conjointes menées par un ensemble d’acteurs. Dans ce contexte, la collaboration interorganisationnelle est reconnue comme un incontournable, mais aussi comme étant parsemée d’embûches qui menacent la mise sur pied ou la pérennité de projets circulaires structurants. Pour anticiper et éviter ces écueils, il devient crucial de comprendre comment les collaborations interorganisationnelles durables s’opèrent. Or, si la littérature en économie circulaire fait clairement écho à cet impératif, elle laisse de nombreuses zones d’ombre. L’objectif principal poursuivi par ce projet est donc de savoir comment cette littérature s’approprie (ou non) l’état actuel des connaissances en collaboration interorganisationnelle. Dans le but d’identifier des pistes de recherche futures et de mieux éclairer les acteurs du terrain dans leurs démarches vers la circularité, une recension des écrits de type scoping review a permis d’analyser 140 articles portant sur l’économie circulaire qui identifient la collaboration interorganisationnelle comme un incontournable.  

État de littérature  

Notons tout d’abord que 80 % des 140 articles ciblés et analysés ont été publiés depuis 2020. La majorité provient de domaines techniques en génie (27 %), en gestion des opérations (20 %), en sciences de l’environnement (12 %). Fait intéressant, alors que la collaboration interorganisationnelle fait l’objet d’études en management depuis plusieurs décennies, seulement 6 % des articles analysés dans le cadre de cette recension des écrits sont issus du management (essentiellement sur la gouvernance et la stratégie). Les revues Journal of Cleaner Production et Sustainability représentent à elles seules près de 40 % des articles analysés. Sur le plan thématique, ces articles portent sur l’économie circulaire dans les chaînes d’approvisionnement (46 %), les écosystèmes d’innovation (17 %) et les symbioses industrielles (10 %). Le reste (27 %) traite de l’économie circulaire au sens large. L’étude de cas est la méthode de recherche la plus fréquente, mais aucune n’est documentée pour l’Amérique du Nord, la majorité des cas se situant en Europe. Plus de la moitié des articles recensés (75/140) identifient la collaboration interorganisationnelle comme une condition de succès pour l’économie circulaire sans approfondir sur ses modalités de mise en œuvre ou ses freins et leviers. La balance des articles (65/140) fait de la collaboration interorganisationnelle en contexte circulaire son principal objet d’étude. 

Principaux constats  

L’analyse des 65 articles qui étudient la collaboration interorganisationnelle en contexte circulaire révèle trois niveaux distincts de collaboration, impliquant principalement trois parties prenantes : les chercheurs, les entreprises et les gouvernements, autour desquelles gravitent d’autres acteurs selon les contextes. Le tableau suivant présente ces niveaux, non mutuellement exclusifs puisqu’ils peuvent à la fois faire l’objet d’une coordination horizontale (au sein du niveau) que verticale (multiniveaux).  

 Quoi ? Qui ? Comment ? 
Niveau Micro Collaboration entre chercheurs et entreprises pour innovation et amélioration des processus de production au sein d’une entreprise (par ex. : écoconception). Chercheurs — entreprises Subventions, maillages, incubateurs… 
Niveau Mezzo Collaboration au sein d’un secteur d’activité (par ex. : construction, textile, matières résiduelles) afin de circulariser une chaîne de valeur intégrée. Entreprises — organismes sectoriels — chercheurs — gouvernements Investissements financiers conjoints, plateformes technologiques d’échange et de collaboration, modèles d’affaires alternatifs… 
Niveau Macro  Collaboration au sein d’un écosystème visant une approche territoriale de l’économie circulaire (par ex. : écoparcs, symbioses industrielles). Gouvernements — entreprises — chercheurs Politiques et réglementations, prêts et subventions, investissements publics, planification urbaine, mutualisation d’infrastructures, communautés de pratiques, nouvelles formes organisationnelles… 

Les études de cas recensées mettent en évidence certains enjeux spécifiques à la collaboration interorganisationnelle en lien avec l’économie circulaire : 

  • Le défi d’aligner des intérêts et des logiques organisationnelles multiples. 
  • La nécessité d’instances de gouvernance inclusives qui favorisent l’agilité et les synergies. 
  • Le besoin de gérer les connaissances et de partager les données entre collaborateurs. 
  • L’importance d’un leadership qui s’appuie sur une vision partagée et qui combine les dimensions économiques, environnementales et sociales sur le long terme. 
  • La capacité de coordination multiniveaux. 

À cela s’ajoute toute une liste de freins à la collaboration interorganisationnelle tels que : les contraintes réglementaires, l’accès au financement des projets, le manque de confiance et une faible communication, l’exclusion de certaines parties prenantes ou l’absence de règles claires de la collaboration. La considération de l’ensemble de ces éléments suggère que les modèles de collaboration interorganisationnelle et circulaire se doivent d’être flexibles et évolutifs selon leur contexte et leurs parties prenantes.

Conclusion 

Pour l’essentiel, l’ensemble des connaissances sur la collaboration interorganisationnelle dans la littérature en économie circulaire est présenté « à la pièce », sans qu’il n’y ait de véritable intégration qui permettrait de les relier dans une perspective processuelle. Pourtant, les multiples facettes de la collaboration interorganisationnelle sont bien documentées dans la discipline du management, qui la définit comme un processus complexe. À cet égard, l’absence de références aux travaux fondateurs en collaboration interorganisationnelle (par ex. : Gray et Bryson) dans le corpus étudié étonne. Notre analyse suggère à la fois la reconnaissance par les chercheurs de la nécessité de la collaboration interorganisationnelle, mais aussi une tendance à sursimplifier la dynamique complexe qui la sous-tend. Intégrer la dimension processuelle de la collaboration interorganisationnelle permettrait de mieux accompagner les acteurs à toutes les étapes de leur démarche vers l’économie circulaire. C’est ce à quoi s’intéresseront nos futurs travaux. 

À propos du projet

Le projet « Collaboration interorganisationnelle durable: rôle et contribution à la transition vers l’économie circulaire » a été mené par Anne-Marie Corriveau et son équipe de recherche. 

Le RRECQ est soutenu par les Fonds de recherche du Québec.
Fonds de recherche - Québec